« Il faut que ça arrête... Ça ne peut plus durer... » La voix de l'homme se brise. Il baisse les yeux, et secoue la tête. À ses côtés, sa femme relève le menton. Elle reste forte, mais la foule rassemblée peut voir sa mâchoire qui tremble. Le maire, à quelques pas du couple, garde le menton baissé. Les cernes profondes, et l'air fatigué. L'atmosphère est lourde au parc Foxcreek, alors que les citoyens de la ville se rassemblent dans un élan de solidarité pour les parents des enfants disparus. Alors que le mois de mai avance, les nouvelles sont de plus en plus lourdes. Sept enfants. Sept enfants de plus ont disparus depuis fin avril, ce qui monte le total de disparitions à un horrible, terrifiant quatorze. Quatorze âmes dérobées à leurs familles dans le plus grand et le plus lourd des silences. Des enfants de tout âges, entre cinq et dix-sept ans. Volatilisés, un à un, depuis décembre dernier, sans laisser aucune trace. Tout a commencé avec Lola Blake. Et chaque jour, l'espoir de les retrouver diminue peu à peu.

« S'il vous plaît. Peu importe qui fait ça... Donnez nous des réponses. » La supplication de l'homme fait écho dans le parc, contre les feuilles des arbres, et contre le ciel noir au-dessus de leurs têtes. Le silence est pesant. La peine, crevante. Les enfants, toujours absents. Et alors, les chandelles s'allument. Une à une. Chaque flamme qui brille, pour essayer d'illuminer la noirceur.  

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Deux heures du matin, et le commissariat bourdonne d'activité. Le travail ne s'arrête jamais pour le corps policier de Blackwater Falls, pas depuis quelques semaines. Les appels sont constants, les arrestations trop nombreuses. Les cellules de garde-à-vue débordent. Les suspects traînent partout dans le commissariat, pas de place où les mettre. Les policiers, eux, ont les traits fatigués, l'épuisement se lit dans leur regard. On laisse partir des criminels, pas le choix, pas de temps, pas d'effectifs. Blackwater Falls est plongé dans une tempête de violence et de colère.

Dans la cellule, l'homme ne cesse de hurler. Il veut qu'on le laisse sortir. « Ça va faire douze heures que je pourris ici, j'ai l'droit à mon appel ! » Qu'il ne cesse de répéter. Mais il n'y a personne pour l'écouter - tout le monde est débordé. Ses demandes restent sans appel, et il grogne dans sa barbe. Regard mauvais lancé à un autre dans la cellule d'en face, qu'il a attaqué plus tôt ce jour-là avec une machette. « Putain d'merde ! Y'a pas moyen d'avoir un peu de respect, ici ?! » À ses côtés, un jeune homme lâche un soupir. « Non mais la ferme, bon Dieu. » L'homme à la barbe se tourne vers les yeux, le regard noir de colère. « Qu'est-ce que t'as dit ?! » Le silence se fait soudainement, dans les cellules. Les autres personnes se recroquevillent dans les autres coins, ne voulant pas faire partie de la tempête. Certains paraissent craintifs. D'autres, amusés. Et on s'attend à ce que le jeune homme ne riposte pas. Mais il se dresse sur ses pieds, et toise l'homme à la barbe. « J'ai dit, ta gueule. »

Le poing s'écrase contre son nez. L'homme à la barbe fait déferler ses poings sur le jeune homme, qui se retrouve par terre rapidement. On parvient à maîtriser l'homme à la barbe, qui recule, tremblant. Les yeux grands ouverts, la malice disparue de son visage. « Je... Je sais pas ce qui m'a pris... » Il enfonce son visage dans ses mains, et les sanglots déchirent la petite cellule. « Je suis désolé... Je sais pas ce qui m'a pris... »

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Alors que le maire termine de répondre à la question, une douzaine d'autres mains se soulèvent dans le public composé de journalistes. Une énième conférence de presse, et aucune réponse de la part d'Isaiah Grayson. Juste des promesses qu'il ne tient pas, et la population commence à être fatiguée. Commence à douter - pourquoi est-ce lui qu'on a élu, s'il ne peut pas nous aider ? Les mots ne sont pas tout, et la patience de Blackwater Falls s'épuise de plus en plus.

Grayson a un faible sourire. « Je suis désolé, je crois que nous n'avons plus de temps pour d'autres questions... » Mais un homme se lève. Complet repassé, et le regard déterminé. « Monsieur le Maire. » Tout le monde s'attend à ce que Grayson l'ignore - mais il s'arrête, l'observe. « Oui ? » L'homme ne cille pas, campé sur ses pieds. « Richard Harper, Vancouver Courier. J'ai des informations à révéler, qui, je crois, pourront intéresser les gens dans cette salle, ainsi que les citoyens de votre ville. » Le silence s'installe dans la pièce, alors que le maire continue d'observer l'homme. Ce dernier, par contre, ne s'arrête pas.

« La population de Blackwater Falls vous a élu car votre réputation est excellente. Vous êtes connu pour être un juge impartial, mais pas cruel. Votre participation à plusieurs affaires nationales a fait de vous un homme de confiance, Mr. Grayson. » Le maire arque un sourcil. « Puis-je savoir où vous voulez en venir ? » L'homme a un petit sourire. « Que va être la réaction de vos fidèles citoyens, Mr Grayson, quand ils apprendront que quatre de vos derniers dossiers concernant des disparitions d'enfants ? » Les murmures se propagent dans la salle. Les journalistes prennent des notes, et les appareils photos se mettent à briller. Les caméras sont rivés sur le maire. « Que vont-ils penser, monsieur le Maire, en apprenant que les suspects que vous avez déclaré coupables pour ces disparitions ont tous été révélés innocents ? »

Les murmures se multiplient.
L'homme continue de sourire.
« Qu'est-ce que vous cachez, monsieur le Maire ? »